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Buste d'Antoine-Laurent de Jussieu, 1748 - 1836, botaniste,
directeur du Muséum national d'histoire naturelle,

5ème arrondissement de Paris

 

Buste d'Antoine-Laurent de Jussieu - © Norbert Pousseur

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site  photographique de  Norbert Pousseur -

 

 

Antoine-Laurent et Adrien de Jussieu - reproduction © Norbert Pousseur
Gravure des Jussieu publiée par la 'Société Montyon et Franklin', année 1833-34
Antoine-Laurent et Adrien de Jussieu

 

BERNARD DE JUSSIEU était âgé de soixante-quatorze ans, quand son neveu et son élève, ANTOINE-LAURENT, âgé de vingt-cinq ans seulement, fut admis à l’Académie des Sciences où il devait siéger près de deux tiers de siècle (1778-1836). Le jeune Académicien, pour les tendres soins dont il entourait la vieillesse de ses deux oncles, Bernard et Joseph, était alors cité comme un modèle. Sa piété filiale mérita la récompense qu’elle obtint au sein de cette même Académie des Sciences devenue la première Classe de l’Institut national de France, quand les suffrages de cette Compagnie (1831) donnèrent à l’illustre vieillard, à quatre-vingt-et-un ans, la joie de voir ou plutôt de sentir à côté de lui siéger son fils ADRIEN, qui devait être son digne continuateur, comme il l’avait été lui-même de son oncle !

ANTOINE-LAURENT DE JUSSIEU.
Antoine-Laurent DE JUSSIEU, fils aîné de Christophe, naquit à Lyon, le 12 avril 1748, fit ses premières études dans celte ville et fut appelé à Paris, en juillet 1765, par son oncle Bernard. Il se trouva ainsi tout-à-coup auprès de l'homme qui n’avait en Europe, pour la Botanique, de rival que Linné. Au moment où le jeune De Jussieu vint se réunir à son oncle, Antoine était mort depuis sept ans (1758), Joseph était toujours retenu au Pérou, et Bernard vivait à-peu-près seul. L’illustre vieillard logé dans une petite maison de la rue des Bernardins, n’en sortait que pour aller à la messe, à l’Académie ou au Jardin des-Plantes ; presque toujours plongé dans ses méditations profondes et ne les interrompant, si c’était même les interrompre, que pour quelques amis, choisis parmi les hommes les plus respectables de cette époque, les Poivre, les Lemonnier, les Duhamel, les Malesherbes.
Telle était la vie retirée de Bernard. A celte simplicité de mœurs, à ce besoin d’une méditation continue, mais libre, et dans laquelle, par un tour particulier de son esprit, il semblait plutôt laisser venir les idées que les chercher, il joignait une régularité d’habitudes qui était extrême. Tout, dans sa maison, était soumis à l’ordre le plus exact et, si l’on peut s’exprimer ainsi, à l'Esprit de Méthode le plus sévère. Chaque chose s’y faisait, chaque jour, à la même heure et de la même manière. Chaque repas avait son heure fixe et invariable. On soupait à neuf heures, et lorsque le jeune Antoine-Laurent allait jusqu'à se permettre la distraction du théâtre, il n’oubliait jamais de calculer le nombre précis de minutes qu’il lui fallait pour rentrer dans la salle à manger, juste dans le moment même où son oncle y entrait par l’autre porte.
Voici encore un trait qui peint le caractère de Bernard. La partie de ses revenus qui n’était pas absorbée par ses dépenses courantes, il la déposait dans un coffre. Il lui fallut un jour faire une dépense extraordinaire : il ouvrit le coffre, et y trouva quarante mille francs. Puis de nouvelles économies furent accumulées, le coffre ne fut visité qu’après la mort de Bernard, et l’on y trouva une somme à-peu-près égale à la première.
On pourrait dire qu’il traita ses idées comme sa fortune. Il les laissa s’accumuler de même avec régularité, avec suite, mais avec une sorte d’insouciance. Enfin il y puisa un jour et traça le tableau de ses Ordres naturels, monument immortel de son génie ; puis il les laissa s’accumuler encore, et, à sa mort, il en légua le dépôt à son neveu, comme la partie la plus précieuse de son héritage.

Bernard passait presque tout son temps à méditer : habituellement, il méditait assis. L’oncle et le neveu travaillaient tout le jour, dans la même chambre, sans se parler. Le soir, le neveu faisait la lecture à son oncle qui lui communiquait, à son tour, ses vues et ses réflexions.
On sent que les impressions reçues auprès d’un homme de cette trempe, ne devaient guère moins influer sur le caractère du jeune De Jussieu que sur son génie. Aussi, même simplicité dans les habitudes, même constance dans le travail, même persévérance dans le développement d’une grande idée et de la même idée. Jamais deux hommes ne semblèrent plus faits pour se continuer l’un l’autre, et n'être, pour ainsi dire, que les deux âges, les deux phases successives d’une même vie.

Au bout de cinq ans passés auprès de son oncle, dans des études si actives et dans un commerce si intime, Antoine-Laurent, à vingt-deux ans et demi (1770) était déjà Docteur en médecine (Sa Thèse imprimée en 1770 est remarquable. Il avait choisi pour sujet les rapports d’Analogie entre le Règne animal et le Règne végétal.) et suppléant de Lemonnier dans la chaire de Botanique du Jardin des plantes.
Dès qu’il commença à professer, l’influence de Bernard sur ses idées dut prendre une nouvelle force. Il le consultait sur ses difficultés ; il lui soumettait ses doutes, et toutefois on doit ajouter que, jusque dans les discussions qu’il soulevait alors, il y avait souvent moins de curiosité scientifique que de piété filiale. Car depuis la mort d’Antoine, Bernard était tombé dans une mélancolie profonde : bientôt il perdit la vue. Il ne fallait rien moins, pour rattacher ce vieillard à la vie, que les liens adroits dont l’entourait un jeune homme, ingénieux à réveiller sans cesse, par des questions piquantes et difficiles, cet esprit né pour la méditation.

En 1771, Joseph revint d’Amérique. Antoine-Laurent prodigua les soins les plus tendres à cet infortuné : il devint à la fois le soutien et le consolateur de ses deux oncles, l’un privé de la vue et l’autre privé de la raison.
Une place devint vacante à l’Académie des Sciences, en 1773, et Bernard engagea son neveu à s’y présenter ; mais ce neveu n’avait rien publié encore. Il fallut donc songer à un Mémoire, et pour sujet de ce premier travail, Antoine-Laurent choisit l'Examen de la Famille des Renoncules. Au reste, le sujet importait peu : quel qu’il fût, il ne pouvait être pour le candidat qu’une occasion de faire sentir sa force et de développer de grandes idées. C’est alors en effet que, par une réaction énergique sur les idées de son oncle, il conçoit ses idées sous une nouvelle forme, qui lui est propre et qui leur imprime, à son tour, le cachet et la pensée de son génie. Il a souvent répété que c’était ce Mémoire qui l’avait fait Botaniste, que « le Voile s’était levé », ce sont ses expressions, et que, pour la première fois, s’étaient découverts à ses yeux ces grands principes dont la démonstration devait être ensuite le but constant de ses efforts et de ses recherches.
Ce Mémoire frappa tous les esprits : c’était tout un ordre nouveau d’idées. Un élément nouveau, le principe constitutif de la Méthode naturelle, prenait enfin sa place dans la science, et bientôt il allait en changer la face. Jusqu’alors, et particulièrement depuis Linné, la Botanique s’était occupée surtout de nomenclature ; maintenant, et par un progrès qui la ramenait plus près de son véritable objet, la nature des êtres, elle allait faire succéder à l’étude de la nomenclature l’étude des caractères. Ce Mémoire où Antoine-Laurent jetait ainsi les premières bases de la science des caractères, est de 1773 : il lui ouvrit l’Académie.

L’année suivante, une grande occasion s’offrit au jeune Académicien non pas seulement d’exposer toutes ses grandes idées, mais d’en faire l’application. On connait le goût de Louis XV pour la Botanique : un des derniers actes de ce prince qui mourut la même année, fut l’adoption du projet d’agrandissement proposé par Buffon pour le Jardin des plantes qui fut doublé ; toute la partie consacrée à l'Ecole proprement dite, put dès-lors être replantée. La Méthode de Tournefort avait été toujours suivie. Antoine-Laurent alors publia son Exposition d’un Nouvel Ordre de Plantes adopté dans les Démonstrations du Jardin-Royal (1774) : c’était une combinaison des systèmes de Tournefort et de Bernard De Jussieu avec l’adoption des genres et de la nomenclature de Linné.
Ces deux derniers vivaient encore, mais bientôt ces deux grands naturalistes moururent, Bernard De Jussieu en 1777, et Linné l’année suivante (1778). Dès-lors, la première place fut libre et de l’aveu de tous les savants en tous pays, c’était Antoine-Laurent De Jussieu qui allait l’occuper.
Après quinze années de travaux sans relâche (Le Rapport sur le Magnétisme animal, par ANTOINE-LAURENT DE JUSSIEU, en 1784, n’est pas le meilleur de ses ouvrages, mais il donna lieu à une belle réponse de l’auteur. Le Ministre l’ayant invité à dîner, l’interpella ainsi, à haute voix : « Et comment se fait-il, Monsieur, que vous ayez publié un avis contraire à celui que le Gouvernement désirait ? — Et comment se fait-il, Monseigneur, que l’on m’ait demandé mon avis s’il ne m’était pas permis de dire ce que je pense ? » Il est à remarquer que De Jussieu n’était pas de ces hommes qui ne trouvent d’honneur qu’à lutter contre le pouvoir.), parut enfin le livre qui devait couronner cette hérédité de travaux et de traditions de famille. La plus belle création de la Botanique moderne (Généra Plantarum, etc.), parut au mois de juillet 1789, et suivant le jugement de Cuvier, le livre d’Antoine-Laurent De Jussieu, marque dans les sciences d’observation (non pas en Botanique seulement), une époque non moins mémorable que la Chimie de Lavoisier dans les sciences d’expérience. C’était une Révolution dans l’Histoire naturelle, mais pouvait-elle être aperçue au milieu de l’autre Révolution qui éclatait la même année, le même mois, presque le même jour ? (Prise de la Bastille, 14 juillet 1789).

A peine son grand ouvrage était-il publié qu’Antoine-Laurent dut accepter d’importantes fonctions dans la Mairie de Paris : ce fut le début de cette famille dans l’administration municipale. Les attributions de la Mairie de Paris se partageaient, suivant le langage de cette époque, en plusieurs Départements. Il y avait pour les Hôpitaux un Département : il échut au Citoyen De Jussieu, et le Rapport qu’il publia sur les Hôpitaux de Paris mérita l’honneur d’être comparé au travail sur le même sujet rédigé par le vénérable et infortuné Bailly.
En 1793, le Jardin des plantes dont l’organisation fut renouvelée, reçut le titre de Muséum d'Histoire naturelle, et son premier Directeur Daubenton eut pour successeur De Jussieu. Dès la création de l’Institut, Antoine-Laurent fut un des membres de la classe des sciences. Il était Vice-Président de cette classe, l’année qui fut marquée par la présidence du général Bonaparte.
Professeur de Matière médicale à la Faculté de Médecine (1804), Conseiller de l’Université impériale (1808), Antoine-Laurent était constamment occupé du soin de préparer une seconde édition de son grand ouvrage. Ses Mémoires sur le Muséum (depuis Louis XIII jusqu’à Buffon), ne furent pour lui qu’un délassement et une distraction qui avait encore pour objet l’Histoire naturelle (1802-1808).

Dépouillé de son titre de Conseiller de l’Université par la Restauration (1815), Antoine-Laurent subit en 1822, avec Vauquelin, Chaussier, Pinel, Deyeux, Desgenettes, etc., l’honneur d’être exclu de l’Ecole de Médecine. En 1830, lorsque l’injustice put être réparée, plusieurs de ces hommes célèbres, Vauquelin, Chaussier, Pinel, étaient morts ; Antoine-Laurent, alors âgé de quatre-vingt-trois ans, se trouva trop vieux pour reprendre sa place à la Faculté.
Déjà, dès 1826, il s’était démis pour son fils ADRIEN DE JUSSIEU, de sa chaire au Muséum et, cinq ans après, il eut le bonheur de l’obtenir aussi pour collègue à l’Académie des Sciences.
Le travail avait été, toute sa vie, un besoin pour lui : tout le temps que lui laissaient ses fonctions, il le passait dans son cabinet à étudier, à ranger ses Plantes. Il avait l’habitude de lire jusque dans les rues.
Sa vue avait toujours été fort basse : encore dans la force de l’âge, il perdit entièrement l’usage d’un œil, et, vers la fin de sa vie, l’autre œil s’affaiblit au point de ne plus lui permettre ni de lire, ni d’observer (A la campagne où il passait, sur la fin de sa vie, une partie de l’année, son plaisir presque unique était la promenade. Il cherchait encore des Plantes ; et, quoiqu’il n’y vît presque plus, il approchait ces Plantes de ses yeux, jusqu’à ce qu’il les eût reconnues. Quand il ne les vil plus du tout, il chercha à les reconnaître au tact, et quand il y parvenait, c’était pour lui une sorte de triomphe.). Ne pouvant plus dès-lors travailler par lui-même, il se fit rendre compte des travaux des autres. Tous les soins délicats qu’il avait eut pour son oncle Bernard devenu aveugle, une main plus chère encore les eut alors pour lui. On cherchait des problèmes qui pussent exercer cet esprit né, comme celui de Bernard, pour méditer et pour combiner. On le tenait au courant des découvertes nouvelles, et, parmi ces découvertes, si quelque chose se rapportait à ses idées sur les caractères et sur la méthode, le vieillard saisissait avidement ces nouveaux résultats et les rédigeait dans un latin d’une élégance remarquable.
Le caractère d’Antoine-Laurent s’était développé de bonne heure, et s’est constamment soutenu le même dans le cours d’une longue vie. Les habitudes sévères de Bernard avaient donné à ce caractère une maturité rare : fort jeune encore, Antoine-Laurent obtenait déjà de tous ceux qui l’entouraient et souvent de personne beaucoup plus âgées que lui, une estime mêlée de respect. Il avait, comme son oncle Bernard, une piété sincère.

Quoique savant d’une grande célébrité, il eut le secret de se ménager une carrière paisible ; et ce secret il l’a trouvé surtout dans le calme philosophique de son esprit. Il s’est laissé attaquer à-peu-près dans toutes les langues, sans jamais répondre. Il disait que, s’il s’était trompé, il était tout simple qu’on l’attaquât ; et que, s’il ne s’était pas trompé, toutes les attaques seraient bien vaines.
Antoine-Laurent De Jussieu s’était marié deux fois : la première en 1779, et la seconde en 1791. Il eut deux filles du premier mariage, et du second, une fille et un fils, ADRIEN.
Par un contraste remarquable, malgré tant de rapports de caractère qu’il avait avec son oncle Bernard, Antoine-Laurent aimait la société autant que Bernard avait aimé la solitude et la retraite. A la vérité, cette société dont il avait besoin se bornait presque à sa famille, mais cette famille était fort nombreuse. Outre ses enfants, il avait appelé auprès de lui, par une sorte d’adoption, deux neveux et une nièce, laquelle devint plus tard l’épouse de son fils. Le vénérable vieillard était adoré de toute celte famille. De son côté, il avait une affection inépuisable pour tous les siens ; il se plaisait particulièrement à réunir autour de lui ses petits-enfants, à les voir jouer, à jouer avec eux. Il trouvait que sa bibliothèque avait cela de bon, que les figures de fleurs et d’animaux, dont elle était remplie, retenaient ses petits amis auprès de lui pendant des heures entières.
Il aimait les jeunes gens. Ayant eu le privilège de vivre longtemps, il avait eu le malheur attaché à la longévité : il avait perdu peu à peu tous ses premiers amis. Les générations nouvelles lui en avaient donné d’autres, et, à son lit de mort, il était entouré de jeunes botanistes dont l’affection ne le touchait pas moins sans doute que le respect.
Antoine-Laurent De Jussieu s’éteignit le 17 septembre 1836, dans sa quatre-vingt-neuvième année.

Pendant près d’un demi-siècle, qui s’était écoulé depuis la publication de son grand ouvrage, sa supériorité ne s’était trouvée contestée par personne. Le titre de Premier Botaniste de l’Europe ne lui était pas disputé, et tous les Botanistes célèbres qui se sont élevés pendant ce demi-siècle, l’ont proclamé leur maître ; exemple mémorable d’une carrière qui se partage à peu près également entre les deux siècles et, par la contemporanéité, se lie aux deux grands évènements décisifs de l’histoire des sciences naturelles, dans ces deux siècles : la Chimie de Lavoisier, qui parut en 1789, marquant la fin du dix-huitième, et les Recherches sur les Ossements fossiles par Cuvier, ouvrant le dix-neuvième siècle.

 

ADRIEN DE JUSSIEU.
Il y a peu d’années, un ami d’ANTOINE-LAURENT, en sa présence, complimentait son fils de porter un nom si glorieux dans les Annales de la Botanique. — Oui certainement, dit le vieillard, c’est un beau nom, — ajoutant avec modestie — et il m’a été bien utile !... Mais le fils d’Antoine-Laurent n’a pas hérité seulement du nom de son père et de ses trois grands-oncles. Dès sa jeunesse, il fit ses preuves !
Adrien DE JUSSIEU, Membre de l’Institut (Académie des Sciences), Professeur au Jardin du Roi, etc., seul fils d’Antoine-Laurent, est né à Paris, le 23 décembre 1797. Elève externe du Lycée Napoléon qui devint le Collège royal Henri IV, Adrien De Jussieu, dans le cours de ses études classiques, renouvela en quelque sorte, le trait de son grand-oncle Bernard, accumulant, pendant longues années, de l’or dans ce dépôt qui se trouva receler un trésor le jour où il lui plut d’y puiser enfin ! Adrien De Jussieu, élève distingué dans son Collège, mérita constamment d’être admis, avec l’élite de ses condisciples, à venir disputer, chaque année, les Grands Prix de l’Université ; or, jamais dans ces Grands Concours il n’avait obtenu ni couronne ni le moindre accessit. Certainement, il fallait qu’il eût accumulé un trésor en silence, car enfin un jour il en tira le seul Prix qu’il ait remporté au Concours général, et ce fut le PRIX D’HONNEUR de la classe de Rhétorique, décerné à l’Eloquence latine (1814). On ne fut point surpris que le fils de l’auteur du Généra Plantarum se fut nourri de la plus pure latinité.
A ce triomphe classique se rattache une circonstance que je ne crains pas de rapporter dans l’intérêt de la jeunesse studieuse. L’exemption de la Conscription militaire, par une disposition expresse de la Loi, n’est pas le seul avantage accordé à ces Grands Prix de l’Université ou Prix d’Honneur qui sont maintenant pour Paris au nombre de Trois (Philosophie, Sciences, Rhétorique). Ces Grands Prix confèrent aux jeunes Lauréats qui les ont remportés, franchise de tous frais et droits d’inscription, examens, diplômes, dans toutes les Facultés de l’Université de France. Or, à chaque inscription ou grade que prit Adrien dans les Facultés des Lettres, Sciences ou Médecine, son père déposait dans une bourse la somme que l’Université aurait pu exiger du candidat, et ce fut cette bourse qui fit les frais du premier voyage scientifique d’Adrien De Jussieu dans une partie de l’Europe.

A l’exemple de son père et de ses grands-oncles, le Lauréat de l’Université se fit recevoir Docteur en Médecine de la Faculté de Paris (1824). Il sut concilier ces travaux avec l’étude approfondie de la Botanique, ce glorieux apanage de sa race. Le premier Mémoire que lut Adrien De Jussieu à l’Institut, est de 1823. La liste imprimée des Mémoires et autres publications ou collaborations scientifiques du jeune savant, depuis 1823, était déjà considérable en 1831, et ces travaux honorés des suffrages du Monde savant ont élevé et maintenu Adrien De Jussieu au rang des illustrations scientifiques de notre époque.
Avant d’avoir atteint sa trentième année (1826), il fut nommé Professeur de Botanique au Jardin-des-Plantes, sur la présentation unanime des Professeurs. Sa présentation par MM. de l’Académie des Sciences avait été presque unanime ; les dissidents en très petit nombre avaient désiré peut-être qu’un Professeur du Muséum fût membre de l’Institut. L’élection d’Adrien De Jussieu à l’Académie des Sciences ne se fit pas longtemps attendre, et il eut le bonheur d’y siéger à côté de son vénérable père.
Devait-on souhaiter, dans l’intérêt de la science, que le successeur d’Antoine-Laurent fût en même temps le continuateur de son travail immense et de ses traditions de famille, non interrompues d’un siècle à l’autre ? Les gens du monde pourront eux-mêmes s’en faire juges, en pensant aux progrès et au rapide développement de la Botanique, depuis la renaissance des Lettres et des Sciences.

Le nombre des Plantes qui n’était encore, dans les premiers auteurs du XVIe siècle, que de Huit à Neuf Cents, est déjà, vers la fin de ce siècle même, de plus de Deux Mille ; il est, au siècle suivant, de plus de Dix Mille dans Tournefort, en y comprenant les variétés, et réduit aux seules espèces proprement dites, ce nombre est de Sept Mille dans Linné ; il est de Vingt Mille dans Antoine-Laurent De Jussieu, et il s’est quadruplé depuis. Il sera de plus de Quatre-vingt Mille dans le grand ouvrage de De Candolle. Mais à la gloire du nom de De Jussieu, il faut constater qu’il n’est aucun grand principe de l'Ordre naturel qui n’ait été posé dans le livre d’Antoine-Laurent, et presque pas une seule des combinaisons récemment établies dont on ne puisse trouver le germe dans le Généra Plantarum. Fontenelle admirait, dans Tournefort, une classification où plus de Douze Cents Espèces nouvelles et, ajoute-t-il, qu'on n'attendait pas, avaient pu entrer sans en rompre les bases. Qu’aurait-il dit de cette Méthode d’Antoine-Laurent, où près de Cinquante Mille Espèces, inconnues il y a cinquante ans, en 1789, quand l’auteur publia son livre, ont pu trouver leur place et presque toujours une place indiquée d’avance, une place où ce on les attendait? » — Enfin que des milliers d’espèces nouvelles se présentent : elles trouveront encore un De JUSSIEU pour les recevoir !

Les honneurs rendus à la mémoire du Père étant une belle part de l’héritage du Fils, nous ne terminerons pas cet article sans ajouter que la Nation française, par l’organe de ses Représentants, a voté en faveur de la Veuve d’Antoine-Laurent De Jussieu, une pension de 6,000 fr. comme à la Veuve d’un Maréchal de France. Après les Adieux qu’avaient fait entendre, sur la tombe, MM. Mirbel, Chevreul, Orfila, au nom de l’Académie des Sciences, des Professeurs du Muséum et de la Faculté de Médecine de Paris, M. Flourens, Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences (Section des Sciences physiques), a prononcé, dans la séance publique du 13 août 1838, l’Eloge historique d’Antoine-Laurent, dont nous avons emprunté littéralement une grande partie de cette Notice. Enfin, le Gouvernement a commandé, pour le Muséum, une statue en marbre d’Antoine-Laurent : l’artiste, Légendre-Hérald est aussi un Lyonnais! Mais la capitale s’empressant toujours d’adopter les illustrations qui lui sont venues des provinces et dont l’éclat appartient au Pays tout entier, deux rues nouvelles de Paris, qui conduisent au Muséum, vont recevoir ces beaux noms : CUVIER et DE JUSSIEU !

Article non signé,
publié dans 'Portraits et histoire des Hommes utiles',
année 1833 -1834, édité par la Socité Montyon et Franklin

 

Article Wikipedia sur Antoine-Laurent de Jussieu

 

 

 

 

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