1562 
    
      
      
     Le Roy de Navarre excusant le fait de Vassy à Théodore de Bèze qui lui en  faisait des plaintes et remontrances de la part de ses Églises, et  le Roy de Navarre soutenant encore que ce que le Duc de Guise avait  fait, il l’avait pu justement faire, et que s’ils avaient été maltraités,  leur insolence en avait été cause, lui déclarant au surplus que qui toucherait  au bout du doigt au Duc de Guise qu’il appelait son frère, le toucherait au  corps, ledit de Bèze lui dit  fort hardiment :  
     
      Sire c'est à la vérité à l'Église de Dieu au  nom de laquelle je parle d'endurer les coups et non pas d'en donner, mais aussi vous plaira-t-il  vous souvenir que c'est une enclume qui a déjà usé beaucoup de marteaux. 
      
     La Reine-mère étant avertie de la  fin proche de ce pauvre Prince, le vint voir et lui dit ces mots : 
     
      Mon frère  à quoi passez-vous le temps vous devriez vous faire lire,  
       Madame lui  repartit-il, la plupart de ceux qui sont alentour de moi sont Huguenots,  
       ils  n’en sont pas moins dit-elle vos serviteurs,  
      
     et de fait, s’en étant allée, il  se fit mettre dans un petit lit bas près la cheminée, et commandant à un  nommé Bézières prendre la  Bible se fit lire l’histoire de Job qu’il ouï fort patiemment ayant toujours les mains jointes, et les  yeux au ciel, puis dit à ceux qui lui assistaient,  
     
     je sais bien que vous direz  par tout le Roy de Navarre s’est  reconnu et est mort Huguenot : ne vous souciez pas qui je suis, mais contentez-vous  que je veux mourir en la confession d’Ausbourg,      et que si je  puis réchapper je ferai encore prêcher l'Évangile en France. 
      
      Quand il fut près de mourir, il  fit venir Raphaël son médecin  et lui fit faire la prière à laquelle la plupart de ceux qui étaient dans le  Bateau, même le Prince de la Roche-Guyon se mirent à  genoux, ses derniers propos furent en prenant un sien valet de  chambre italien par la barbe,  
     
      servez bien mon fils, et qu'il serve bien le  Roi  
      
     et ainsi rendit l’esprit le  17  Novembre 1562 sur Seine vis à vis le grand Andely. Peu  auparavant sa mort on avait écrit sur le mur de sa garde-robe. 
     
      Ha ha ha  pauvre caillette  
      Tu  sauras bien, mésovan  
      Que valent prunes de Rouen  
      Pour avoir tourné ta jaquette. 
      
           Et après sa  mort furent faits et publiés plusieurs écrits par les Huguenots contre ce  bon Prince, entr’autres ceux-ci qui sont aussi contre Henry II & François II. 
     
            Par l'œil, par  l'épaule, et l'oreille  
      Dieu a fait en France merveille  
      Par l’oreille, l'épaule et l'œil  
      Dieu a mis trois  Roys au cercueil  
      Par l'œil,   l'oreille et  l'épaule  
      Dieu a  tué trois Roys en Gaule  
      Antoine François et Henry, 
      Qui de lui  n'ont pas eut souci.      
      
     Jacques Dalbon Maréchal  de St. André en la  Bataille de Dreux le 19  Décembre 1562 fut pris et lâchement tué *  il était plus vaillant que pieux, et fut déchiré par les vers des Huguenots. 
       
     Gabriel de Montmorency Seigneur de  Montbron fils du  Connétable âgé d’environ 20  ans d’une  valeur héroïque et rare fut tué en cette sanglante bataille, en laquelle  périt un grand nombre de Noblesse Française et n’en échappa, quasi de signaler  qu’ils ne fussent tués ou pris, que le Duc de  Guise auquel le  champ de bataille demeura après avoir rallié ses gens et usé de stratagème  de grand Capitaine, tel qu'il était. 
     M. de Nevers y fut  tué par un Gentilhomme nommé des Bordes son grand mignon et confident, auquel le  pistolet, sans y penser, se débanda et en   blessa ce pauvre Seigneur, lequel à la sollicitation de ce des Bordes avait  abjuré la Religion et retourné à la messe. Comme l’on portait à Dreux  ce Seigneur mortellement blessé M. Dandelot passant avec ses troupes demanda  qui c’était et ayant entendu que c’était M. de Nevers ne voulut  l'arrêter ni le faire arrêter ainsi lui manda seulement par un des siens qu’il  pensât à ses fautes et qu’il était temps. 
     La légende du Cardinal de Loraine et de ses frères imprimée à  Reims hoc  est à Paris, porte que ledit Cardinal  ayant reçu nouvelles de la journée de Dreux dit au porteur ces mots,  
     
      Tout va bien puisque  mon frère est sauvé : parle-t-on plus à Paris de nous faire rendre compte ? puis se tournant  vers un de ses familiers,  à ce que je  vois dit-il, Monsieur mon frère et moi aurons nos comptes tous seuls, M.  le Connétable est prisonnier d’un coté, et M. le Prince de l’autre, voilà où  je les demandais. 
      
      Le Chancelier de  l'Hôpital, qui avait fleur de Lys dans le cœur, eut des sentiments bien  contraires. Il déplora le malheur de la France et n'y  pouvant  donner ordre déchargea sa douleur en faisant les vers suivants pour servir de  tombeau à la France. 
     
       Pro patria pugnent, pugnae quibus utilis aetas  
       Hanc fero nutanti  quam queo gratus opem, 
       Sin furiis accensa suis minus illa docentem  
       Audiat, et praeceps in sua fata ruat  
       Et sim, quod nollem, patriae, sociisque superstes,  
       Inscribam stratis sanguine corporibus  
       Hic jacet, a nullis potuit quae Francia vinci, 
       Ipsa sui  victrix, ipsa sui  tumulus. 
      
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