Une remarque puérile si l'on veut, mais assez curieuse  est celle-ci: les aéronautes les plus distingués par leurs facultés inventives  — nous ne disons pas par leur audace, pour laisser à Nadar ce qui appartient à  Nadar — vont par deux frères. Les frères Montgolfier, les frères Tissandier,  les frères Renard. Dans la collaboration, c'est M. Gaston qui est  l'électricien, M. Albert l'architecte.
                  M. Gaston Tissandier s'est  attaché à la construction des piles, du moteur dynamo-électrique et d'un  appareil à gaz hydrogène.
                  M. Albert Tissandier a exécuté  l'aérostat proprement dit, avec sa housse de suspension et sa nacelle.  Tenons-nous cette fois l'aérostat dirigeable? C'est que la direction des  aérostats s'environne d'un grand nombre de difficultés. L'agitation de  l'atmosphère est une règle qui souffre peu d'exceptions.
                 Lorsque le temps nous semble le plus calme à la  surface de la terre, les régions élevées de l'air sont souvent parcourues par  des courants très forts. La résistance considérable que l'air, même le plus  tranquille, oppose à la progression d'un aérostat, ne peut être surmontée par  la force de l'homme réduit à ses bras, et que très difficilement par un  mécanisme destiné à transmettre cette force.
                Nous retrouvons dans un  journal publié à Paris le 29 septembre 1884, les détails de la première  ascension que firent les deux frères dans leur ballon dirigeable.
                  L'aérostat a accompli des évolutions à gauche, à  droite de la ligne du vent.
                  A plusieurs reprises, il a  remonté pendant quelques minutes le courant aérien. Après avoir traversé Paris  MM. Tissandier ont arrêté leur machine électrique, et le ballon a pris la direction  sud-est. Après de nouvelles manœuvres de direction qui ont eu plein succès, la  descente s'est effectuée à Marolles-en-Brie. Le voyage avait duré deux heures.
                  Quand on pense à la somme de  savoir, de travail, de persévérance dépensée pour obtenir la réalisation du  problème des ballons  dirigeables, il  y a si peu de temps encore, réputé chimérique, et aujourd'hui en pleine voie de  réalisation il y a lieu de redresser quelque peu la tête et d'être fier de  cette invention exclusivement française, et perfectionnée par les seuls  Français et qui peut-être est du bon chauvinisme. Saurons-nous seulement tirer  parti du résultat acquis; ne laisserons-nous pas les étrangers « moins malins  », mais plus habiles, exploiter le domaine défriché par les Montgolfier, les  Renard et les Tissandier?