Dessin  (par Sorel pour Marguerite) et  texte, extraits de l'ouvrage  
            'Costumes français depuis Clovis jusqu'à nos jours', publié par A. Mifliez en 1835. 
Collection personnelle. 
           
         Anne de Joyeuse, amiral de France, né vers 1561, s’éleva  rapidement par son crédit auprès de Henri III, au plus haut degré de fortune  qu’ait jamais atteint un particulier. Il joignait à toutes les grâces de la  jeunesse beaucoup d'habileté pour les exercices du corps ; il avait un  caractère doux, de l’esprit, de la libéralité, et commandait l’affection de ses  rivaux. Il était connu sous le nom d’Arques, et il se signala en 1580 au  siège de La Fère.  
           Le roi récompensa sa bravoure, en érigeant pour lui le  vicomté de Joyeuse en duché-pairie, avec la clause qu’il précéderait les  anciens ducs, à part ceux du sang royal ; il obligea en même temps ce  favori de renoncer à l’alliance qu’il projetait avec Marguerite de Chabot, très  riche héritière, et lui fit épouser Marguerite de Lorraine, sœur de la reine. 
Les noces  du duc de Joyeuse furent célébrées avec une magnificence jusqu’alors  sans exemple. Le comte de Retz lui offrit, pour se faire un mérite auprès de  lui, la charge de premier gentilhomme de la chambre, qu’il paraissait désirer.  Le roi, qui avait assigné à l’épouse de Joyeuse une dot égale à celle des  filles de France, lui donna bientôt après la belle terre de Limours, près de  Montlhéry, et acheta pour lui, en 1582, du duc de Mayenne, la charge d’amiral.   
         L’ambition de Joyeuse ne fut pas encore satisfaite ; il sollicita le  gouvernement du Languedoc : mais le maréchal de Montmorency, qui en était  pourvu, rejeta toutes les propositions du favori, et le roi ne voulut pas  consentir à dépouiller un de ses plus fidèles serviteurs. Le duc de Joyeuse  alla en 1583 à Rome, solliciter du pape la permission d’aliéner quelques  domaines ecclésiastiques, et en même temps l’échange du comtat Venaissin contre  le marquisat de Saluces ; il y fut accueilli avec les égards dus à sa  naissance et à son titre d’allié du roi ; mais il ne put rien obtenir que  la promesse d’un chapeau de cardinal pour son frère, l’évêque de Narbonne. On  assure qu’il essaya de rendre suspecte au pape la religion du duc de Montmorency ;  mais ce moyen odieux ne lui réussit point ; et comme il voulut avoir un  gouvernement, il fut obligé de se contenter de celui de Normandie.  
         Le duc de  Joyeuse était entré dans la ligue formée en apparence contre les protestants,  mais il ne tarda pas à prévoir les conséquences qu’elle pourrait avoir pour  l’autorité royale ; il engagea le faible Henri III à dissiper cette  association, et lui offrit tout ce qu’il possédait d’argent et de pierreries  pour acheter des partisans. Ennuyé de son oisiveté, et brûlant de se signaler  contre les ennemis de la religion, Joyeuse sollicita et obtint, au préjudice du  duc d’Aumont, le commandement d’une armée dans le Gévaudan ; il y remporta  quelques légers avantages sur les protestants, et cet homme, d’un caractère si  doux, se montra cruel pour la première fois envers des ennemis vaincus. 
         Il passa  en 1687 à l’armée de Guienne. Déjà il s’était aperçu que son crédit diminuait  auprès du roi ; on lui manda que le duc d’Épernon l’avait remplacé dans  le cœur de Henri III ; il revint à la cour sous le prétexte de presser  l’envoi des munitions dont l’armée manquait, mais pour juger par lui-même de la  vérité de ce qu’on lui avait écrit ; et après s’en être convaincu il  retourna en Guienne, désespéré. Il se hâta de joindre le roi de Navarre dans la  plaine de Coutras, et lui présenta le combat le 20 octobre 1587. L’avant-garde  des protestants fut enfoncée à la première charge ; mais elle se rallia, et  la valeur de Henri décida bientôt de la victoire. Le duc de Joyeuse, blessé  dans la mêlée, fut rencontré par Saint-Luc, qui lui demanda ce qu’il était à  propos de faire : « De mourir ! » répondit-il. Quelques instants  après, il trouva la mort qu’il désirait.  
           Henri III lui fit faire de magnifiques  funérailles dans l’église des Augustins de Paris. Rose, évêque de Senlis, et  ligueur fameux, prononça son oraison funèbre, dans laquelle on trouve beaucoup  d’allusions satiriques. 
           
         Costume d'Anne de Joyeuse : Le manteau doublé de damas cramoisi et bandé argent, est  gris-perle ; le pourpoint, les trousses et la culotte sont vert pomme ;  les bas d’attache sont bistres ; le chapeau, le ceinturon orné de dessins  or, le fourreau de l’épée, dont la garde est or, sont noirs. On remarque à la  culotte  deux bandes or. 
           
         Le costume de Marguerite de Lorraine, est d’un bel effet  pittoresque. Il se compose de deux robes : celle de dessus est de damas blanc uni ; elle a de très longues manches attachées vers le milieu du  bras par un bouton noir et or, et doublées de damas blanc richement brodé or,  La robe de dessous est également de damas blanc, mais surchargé de dessins or.  Le corps de la robe de dessus, en corset, est orné de boutons noirs et or, et porte  des revers brodés or. La chemise est plissée à petits plis, tandis que la  collerette est façonnée à gros bouillons La coiffure, surmontée d’une aigrette  noire et or, et ornée d’une plume blanche, est cramoisie. 
           
         Les noces d'Anne de Joyeuse et de Marguerite de Lorraine
         
           « Le 18 septembre 1581, dit un historien contemporain, le  roi mena la mariée au moûtier (église), suivie de la reine, princesses et  dames, tant richement vestues qu’il n’est mémoire en France d’avoir vu chose si  somptueuse. Les habillemens du roi et du marié estoient semblables, tant  couverts de broderies, de perles, pierreries, qu’il n’estoit possible de les  estimer ; car tel accoutrement il y avoit dix mille écus de façon ;  et cependant aux dix-sept festins qui furent faicts après les noces, tous les  princes, seigneurs et dames de la cour changèrent tous d’accoutremens, dont la  plupart estoient de toile et de drap d’or et d’argent, enrichis de broderies et  de pierreries d’un grand prix. 
           Vers ce temps aussi, il y eut au jardin du Louvre un ballet  de eschevaux, auquel les eschevaux d’Espagne, coursiers et autres, en  combattant s’avançoient, se retournoient, contournoient au son des trompettes et  clairons, y ayant esté dressés cinq mois auparavant. Tout cela fut beau et  plaisant ; mais la grande excellence qui se vit les jours suivans fut la  musique de voix et d’instrumens la plus harmonieuse qu’on put ouïr ; et  furent aussi les feux artificiels qui brillèrent avec effroyable espouvantement  et contentement de toutes personnes. » 
          
         Le même auteur ajoute que la reine et les princesses, qui  dans le ballet représentaient les Naïades et les Néréides, terminèrent le  spectacle par des présents ingénieux qu’elles offrirent aux princes et  seigneurs qui, sous la figure de Tritons, avaient dansé avec elles. 
  
 
 
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