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Chapeau

Terme du Petit dictionnaire de l'habillement

 

Chapeau porté par Alain Chartier, dessin de Léopold Massard - reproduction © Norbert Pousseur

 

Chapeau : Les chapeaux ont une origine fort ancienne ; sur plusieurs vases étrusques, la Victoire porte un chapeau fait comme les nôtres. Les Grecs appelaient leur chapeau sxiadiov, en latin umbella, un parasol. Celui d’Anacréon était aussi un petit chapeau comme ceux que portent les chasseurs ; plusieurs monuments attestent l’ancienneté de l’usage des chapeaux. À Athènes, il n’y avait que les malades qui portassent des chapeaux ; et porter un chapeau entrait dans l’ordonnance du médecin, au moins c’est ce qu’on voit dans Platon. L’usage des chapeaux commença à s’introduire en France sous le règne de François Ier ; ce n’est pas qu’ils ne fussent connus depuis fort longtemps. On prétend que ce sont les chapeaux de fer qu’on portait à la guerre, qui ont introduit les chapeaux de feutre et de castor pour la ville. Ils étaient d’abord de drap ou de toute autre étoffe, ensuite on les a faits de bourre de laine et de poils, non tissus ensemble, mais seulement foulés, collés ou apprêtés.

Vers le milieu du règne de Charles VI, cet habillement de tête fut adopte pour aller à la campagne. Sous Charles VII, il devint d’une nécessite indispensable pour la pluie. Lorsque Louis XI monta sur le trône, on le porta indistinctement dans tous les temps. Louis XII reprit le bonnet de velours, et ce fut François Ier qui adopta absolument le chapeau, dont il paraît que les bourgeois ne se servaient pas encore communément sous Henri IV.

Les grands seigneurs les portaient déjà relevés de plumes et de franges, lorsque les bourgeois se servaient encore de leurs chaperons, François Ier agrandit le chapeau, l’orna de plumes et le plaça de travers.

Charles VI porta le premier castor à son entrée à Rouen. LouisXI portait un chapeau gras ; il l’entourait de petites amulettes d’étain, ne le faisait ni laver, ni changer, ni réparer ; c’était pour lui une relique de saleté, d’avarie et de dévotion. Depuis ce temps, le chapeau n’a fait que gagner de la considération dans le monde. On le mit en toque, en pyramide, en cône, en bateau ; il subit autant de révolutions que la monarchie, et les lois de l’ancienne jurisprudence n’étaient ni plus variables, ni plus mobiles que les formes que la mode imprima tour à tour aux chapeaux. Franges, perles, pierreries, rubans, fourrures, furent consacrés à l’ornement des chapeaux. On y attacha des houppes, des houppettes, des plumes, des boutons, des fleurs. On en fit à bords, à roues, en rose, en triangle. On les noua sous le menton ; on les planta sur l’occiput, sur le sinciput et sur l’os frontal. Charles IX portait sa toque sur le coin de l’oreille.

Protée insaisissable, le chapeau passa tantôt du sexe masculin au sexe féminin, tantôt de celui-ci à l’autre ; tantôt nous coiffons les dames et les dames nous coiffent à leur tour. Sous Louis XIV, le chapeau à grands bords, ornés d’une surabondance de rubans, ressemblait au feutre de nos forts de la Halle, chargé de faveurs un jour de fête.
Rabattu, c’était un parapluie véritable. Plus tard, on a relevé les bords, et tous les hommes se sont fait des cornes. Ou les a rabattus de nouveau, attachés avec des gances, coupés en divers sens, tournés et retournés de mille manières. On en a élargi, diminué, arrondi successivement la forme, la coiffe, les bords.

En 1784 les dames portaient des chapeaux à la caisse d’escompte, chapeau sans fond comme cette caisse. De nos jours elles portent des bibis, petits chapeaux ayant la forme d’une capote. Les chapeaux ronds, pour les hommes, sont d’un usage général, et pour les dames en habit d’amazone ; les chapeaux à trois cornes sont consacrés aux militaires ; les chapeaux retroussés, tel celui que porte Robert de Clermont à la Henri IV, sont adoptés par les princes, les grands dignitaires, etc.

Le chapeau des évêques était semblable à celui qui fut en usage parmi les anciens Romains. Piscara dit qu’il devait être de deux sortes, l’un semblable à celui des cardinaux, l’autre plus simple, mais tous deux d’un tissu de laine noire à l’extérieur et le dessous doublé de soie verte. Ils étaient retenus par deux cordons de soie verte.

 

Se découvrir devant un supérieur : Les Français jusqu’alors (1494), en abordant leurs supérieurs, découvraient leur tête, s’inclinaient et se couvraient ensuite ; mais entre amis ou égaux, on relevait un peu son couvre-chief ; les grands se couvraient même devant le roi, à moins qu’il ne leur parlât ; à table, ils le saluaient avant et après qu’il avait bu ; les seuls officiers-domestiques étaient nu-tête et sans manteau. Charles VIII, étant à Naples, invita la noblesse napolitaine à se couvrir en sa présence, mais elle répondit qu’elle voulait montrer à celle de France le respect qui était dû à son souverain : cependant quelques seigneurs français ne pouvant, à raison de leurs infirmités et de leur âge, rester découverts, parurent devant le roi en béguins faits comme ceux des enfants. Depuis cette époque nous avons conservé l’usage de rester découverts en présence de nos supérieurs,


Vers Alain Chartier portant un chapeau Chapeau porté par Alain Chartier

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Article extrait du du 'Dictionnaire universel de Commerce' de Jacques Savary des Brûlons, édition de 1768

CHAPEAU. Couverture, ou habillement de tête que font les Chapeliers, avec du poil, de la laine, ou autres semblables matières cardées, feutrées, et foulées avec la lie de vin détrempée dans l’eau chaude. La forme du Chapeau est ronde, aussi bien que son bord, qui est plus ou moins grand. Il sert aux hommes, pour se garantir du soleil, de la pluie, et des autres injures du temps. C’est aussi une espèce d’ornement, qui n’est guère en usage que parmi les Européens Occidentaux. Il s’en fait de plusieurs couleurs et façons ; de noirs, de gris, de blancs, et quelquefois de rouges pour les Cardinaux, et de jaunes pour les Juifs ; les uns à poil et les autres ras, et sans poil.
Les Chapeaux de Castor, qui sont les plus  beaux, les plus fins, et les plus chers de tous, sont faits du poil de l’animal appelle Castor, ou Bièvre, dont on a ôté les plus grands poils. Pour qu’ils soient bons, il faut y employer deux tiers de poil gras, un tiers de maigre, ou sec, bien cardés ensemble, sans mélange d’aucunes autres étoffes.

La Manufacture des Chapeaux de Castor est très considérable en France, et surtout à Paris, d’où il s’en fait des envois, non seulement dans toutes les Provinces du Royaume, mais encore dans les Pays Étrangers, particulièrement en Espagne, et dans les Indes Espagnoles par la voie de Cadix. Ceux destinés pour l’Espagne, et les Indes, sont ordinairement noirs ou gris, de forme plate, que quelques-uns appellent,  quoiqu’improprement, Forme carrée, doublés en dedans de satin de différentes couleurs, comme bleu, rouge, violet, vert, etc.
Il se fabrique aussi en Angleterre beaucoup de Chapeaux de Castor, qui sont très beaux, et fort estimés ; mais la bonté des nôtres, jointe aux gros droits d’entrée, qu’on fait payer aux Chapeaux d’Angleterre, quand ils viennent en France, fait que nous n’en tirons que très rarement ; ce qui ne peut être qu’avantageux à nos Chapeliers, et à la Compagnie, qui fait le commerce des Castors de Canada.

Les Chapeaux nommés Demis-Castors, qui étaient autrefois défendus en France, mais dont la fabrique y est permise depuis l’année 1706, ne sont autres que des Chapeaux de Vigogne, dans la composition desquels on fait entrer une partie de poil de castor, plus ou moins forte, suivant que le Chapelier les veut rendre bons, et approchants de la qualité des véritables et purs Castors.

Les Chapeaux, que l’on nomme Vigognes, ou Dauphins, et quelquefois Loutres, sont seulement composés de poil de lapin, et de laine de vigogne ; car pour du poil de loutre, il n’y en entre point du tout, étant d’une qualité à ne pouvoir se feutrer avec les autres poils. Ainsi c’est un abus de donner à ces Chapeaux le nom de Loutres.

Les Chapeaux de Caudebec sont faits de laine d’agnelins, de ploc, ou duvet d’autruche, ou de poil de chameau. Ils ont pris leur nom de la petite Ville de Caudebec en Normandie, où ont été fabriqués les premiers chapeaux de cette sorte. Il s’y en fait encore une assez grande quantité, aussi bien qu'à Bollebec, Falaize, Dieppe, etc., mais Rouen est le lieu où il s’en fabrique le plus.

On faisait autrefois certains Chapeaux gris, que l’on nommait Breda, qui étaient tout de pure laine de mouton, mais ils étaient si pesants et si désagréables à la vue, que la mode et l’usage s’en sont absolument perdus.
Le poil de lièvre était anciennement d’un grand secours pour la fabrique des Chapeaux, et il s’y employait même avec beaucoup de succès : cependant il a été absolument défendu par rapport au commerce du Castor de Canada, dont il empêchait effectivement la consommation.
Ce que l'on appelait autrefois Chapeaux des sept sortes, n'étaient que des vigognes communs, auxquels on donnait ce nom.

Un Chapeau en blanc, est un Chapeau fabriqué, auquel il ne manque que la teinture et l’apprêt. Tous les Chapeliers qui sont Maîtres, ont la faculté de teindre eux-mêmes leurs Chapeaux ; mais pour l’ordinaire ce sont de certains Maîtres Chapeliers qui ne s’attachent uniquement qu’à cette teinture.
On appelle un Chapeau ras, celui qui a été flambé, ou poncé, pour en ôter les plus longs poils : et un Chapeau à poil, celui auquel il n’a été donné aucune de ces façons ; en sorte que tout son poil lui est resté.
Lorsque la matière, ou l’étoffe destinée pour faire les Chapeaux, a été entièrement foulée et préparée, et quelle est en état d’être mise en forme, on lui donne le nom de Feutre ; et c’est ce qui sans doute a donné lieu de dire quelquefois un Feutre, au lieu d’un Chapeau.

  • Dresser un Chapeau, c’est mettre le feutre en forme.
  • Donner de l’apprêt à un Chapeau, c’est y mettre de la colle, ou de la gomme fondue dans l’eau, pour le rendre plus ferme. C’est la dernière façon que les Chapeliers donnent aux Chapeaux.
  • Garnir un Chapeau, c’est y coudre une coiffe en dedans.

Il y a en France quatre Tarifs, ou Arrêts du Conseil, suivant lesquels se payent les droits d'entrée et de sortie du Royaume, pour les différentes sortes de Chapeaux ; savoir, le Tarif de 1664, et les Arrêts du 14 Août 1688, du 3 Juillet 1692, et du 2 Avril 1702.
Par ces Tarifs et Arrêts, les Chapeaux de Castor payent d'entrée 20 livres la pièce ; les demis Castors 8 livres, les Vigognes et demis Vigognes 18 livres la douzaine ; et les Chapeaux de feutre, de toutes sortes de laines, poils et façons, 12 livres aussi la douzaine.
Les droits de sortie font de 6 livres par douzaine de Castors, 3 livres pour les demis Castors, 1 livre pour les Vigognes, 15 sols pour les demis Vigognes,  10 sols pour ceux de poil commun, et 30 sols pour ceux de feutre, tous aussi de la douzaine.


Fabrique des Chapeaux.
On a dit ci-dessus, que l’on faisait des Chapeaux du poil, ou de la laine de différents animaux ; entre autres, du poil de castor, de lièvre, de lapin, de chameau, du ploc ou duvet d’autruche ; et pour les laines, de celles de vigogne, d’agnelin et de mouton : mais comme quelque manière qu’on emploie à la fabrique d’un Chapeau, la façon en est à peu-près la même, on se contentera de parler ici de celle des Chapeaux de Castors, comme les plus précieux ; et ceux où il peut y avoir quelque apprêt, qu’on se dispense de donner aux autres de moindre conséquence.
On ne dira rien ici de l’animal nommé Castor, qui fournit une si riche pelleterie aux Fourreurs, et un poil si doux et si maniable aux Chapeliers.
Il faut remarquer seulement, que la peau de cet animal amphibie a deux sortes de poil ; l’un long, ferme, lustré, et assez rare, qui fait la beauté de sa fourrure, mais qui est inutile aux Chapeliers : l’autre court, épais et doux, qui est la matière des Chapeaux.

Pour arracher l’un de ces poils, et pour couper l’autre, les Chameliers, ou plutôt les femmes qu’ils emploient à cet ouvrage, se servent de deux couteaux ; l’un grand, en forme de tranchoir de Cordonnier, pour tirer le grand poil ; l’autre petit, fait comme une serpette de Vendangeur, à la réserve qu’il est coupant par le dos, et ne l’est point par ce qui est ordinairement le taillant de la serpette. C’est avec ce dernier couteau que ces femmes enlèvent, ou plutôt quelles rasent à fleur de peau, le poil le plus court.
Après que ce poil est coupé, on fait le mélange de l’étoffe, c’est-à-dire, qu’on met un tiers de castor sec, sur deux tiers de castor gras.
Le mélange achevé, on carde le tout ensemble avec des cardes semblables à celles des Cardeurs de laines, mais beaucoup plus fines.
L’étoffe cardée se pèse et on met plus ou moins suivant la grandeur, ou la force du Chapeau qu’on veut faire ; ensuite elle s’arçonne sur une claie avec l’instrument, qu’on appelle Arçon.
Cet arçon est une longue perche de cinq ou six pieds, qui a une manicle de cuir au milieu, pour passer la main gauche de l’Ouvrier qui arçonne. À l’une des extrémités de la perche, est une espèce de crochet de bois, qu’on appelle le Bec de corbin ; et à l’autre, une pièce trouée par le milieu, aussi de bois, qu’on nomme le Panneau ; et qu’on devrait plutôt nommer le Chevalet, y tenant à peu près la place que celui-ci tient dans l’instrument de Musique, qu’on appelle vulgairement une Trompette marine.
Du bec de corbin au panneau, passe une corde à boyau, semblable pour la grosseur à celle de cette trompette marine : et afin de donner le ton, ou le degré de tension nécessaire à cette corde, pour bien faire voguer l’étoffe, on se sert d’une chanterelle, qui est une cheville de fer  ou de bois, qu’on met entre le panneau et la corde, qui la tient aussi bandée qu’il faut. On appelle le Cuiret, une petite pièce de cuir, qui couvre la chanterelle, et empêche que la corde n’y touche immédiatement.
Pour se servir de cet instrument, il en faut un second, qu’on nomme Coche, qui est assez semblable à une grosse bobine, de huit à dix pouces de long, mais dont le milieu est fort enflé, pour donner plus de prise pour la tenir de la main droite, quand on veut arçonner.
C’est avec ces deux instruments qu’on arçonne l’étoffe, ou, comme ils parlent, qu’on la fait voguer, c’est-à-dire, qu’on la fait voler sur la claie, pour y former les capades ; ce qui est le plus difficile de l’ouvrage, pour la justesse de la main qu’il faut avoir, afin que le poil arçonne tombe précisément à l’endroit où l’on dresse la capade, et pour que chaque capade soit également grande, et fournie d’étoffe.

Il y a des Chapeliers, qui, au lieu d’arçon, trouvent plus commode de se servir d’un tamis de crin, à travers lequel on fait passer l’étoffe, croyant cette façon plus sure pour l’égalité des capades.
Ce qu’on appelle Capade, est un morceau de feutre, de figure triangulaire, dont l’angle d’en-haut est extrêmement pointu. Il en faut quatre pour chaque Chapeau : et comme, quelque adroit que soit un Ouvrier, il n’est pas possible qu’il n’y ait quelque endroit plus faible dans son ouvrage, de ce qui reste d’étoffe, après que les quatre capades sont faites, on en forme un morceau de feutre, qu’on appelle Morceau d’Étoupage, qui sert à étouper, c’est-à-dire, à fortifier les capades à mesure que le travail s’avance.
Bien que les capades d’un Chapeau, et par conséquent le Chapeau même, quand il est fait, doivent être également fournies d’étoffe par tout ; il y a néanmoins des endroits, qu’il faut qui soient, pour ainsi dire, également inégaux ; un Chapeau devant être plus fort du lien, que de la tête, et que du reste des bords. On appelle le Lien d’un Chapeau, l’endroit où les bords s’unifient à la tête.

Les Capades préparées, on les enveloppe dans un morceau de toile neuve et forte, d’une aune de large, et d’une aune et demie de long, qu’on appelle le Feutrier, ou la Feutrière, dans laquelle on les marche avec la main, qu’on appuie également partout sur la capade, la toile entre deux, afin que le poil presse fasse plus de corps.
Chaque capade ayant été marchée séparément, on les couche deux à deux sur le feutrier, en mettant entre elles un autre morceau de toile pointu, c’est-à-dire, de la forme de la capade, qu’on appelle un Lambeau, pour empêcher que les deux capades ne se joignent, et en cet état, on les marche de nouveau.
Les capades étant bien marchées, on commence à les feutrer ; ce qui se fait sur une plaque ronde de fer, ou de cuivre, posée sur un fourneau, où est allumé un peu de charbon, sur laquelle on met la feutrière, qu’on arrose légèrement d’eau avec un goupillon. C’est alors que l’on bâtit le Chapeau, c’est-à-dire, qu’on joint ensemble les quatre capades par les côtés ; en sorte qu’elles ne fassent plus qu’une espèce de chausse à hypocras. La chaleur de la plaque, l’eau dont on arrose la feutrière, et la manière de marcher de nouveau les capades avec la main, un parchemin entre deux, est ce qui les feutre, c’est-à-dire, ce qui en fait une espèce d’étoffe veule, et peu serrée. Les capades en cet état, s’appellent un Feutre.
C’est en marchant et feutrant l’étoffe, qu’on l’étoupe aux endroits les plus faibles, en sorte qu’on lui donne une égale force partout.

Le feutre achevé, on le met à la foule. L’attelier de la foule est composé principalement d’une chaudière capable de contenir quatre ou cinq seaux d’eau, d’un fourneau construit sous la chaudière, et de plusieurs fouloirs scellées en pente autour du massif de plâtre, qui soutient la chaudière, en sorte que l’eau puisse retomber, à mesure que le feutre se foule.
Ces fouloirs sont des espèces d’étaux à Boucher, sur lesquels les Ouvriers foulent les Chapeaux. Un fourneau qui a plusieurs Compagnons, s’appelle une Batterie ; quelquefois on se sert du nom de foulerie, mais moins ordinairement. Il y a des batteries à deux, à trois, à quatre, à six, etc.
Pour fouler les Chapeaux, on les trempe, et même quelquefois on les fait bouillir quelque quart d’heure dans l’eau de la chaudière, où on a fait auparavant dissoudre de la lie de vin en masse, que préparent et vendent les Vinaigriers ; et ensuite avec un morceau de bois rond, pointu par les deux bouts, et élevé par le milieu, en forme de gros et long fuseau, on les roule sur la fouloire ; ce qu’on renouvelle à plusieurs reprises, jusqu’à ce qu’ils soient parfaitement foulés. Cet instrument s’appelle un Roulet, de l’usage auquel il sert.
C’est au sortir de la foulerie, que le Chapelier dresse son feutre, c’est-à-dire, qu’il l’enforme, et qu’il lui donne la figure de Chapeau, en le mettant sur une forme de bois, pour en faire la tête.

Outre cette forme de bois, il faut encore trois sortes d’instruments pour dresser un Chapeau : l’Avaloire, qui est de bois et de fer : la Pièce, et le Choque, qui sont de cuivre, dont on se sert de la manière suivante.
Cette espèce de chausse à hypocras, que forment les quatre capades réunies, ayant été mise  encore toute chaude et toute moite, sur la forme, qu’on fait entrer dans sa pointe autant qu'on le peut avec la main, on y lie tout autour une forte ficelle, qu’on coule ensuite avec l’avaloire le long et jusqu’au pied de la forme. À mesure que la ficelle s’abaisse, on ôte avec la pièce les plis qui pourraient se trouver autour de la forme ; ce qu’on nomme Etauper ; et quand cette ficelle est presque tout au bas, on se sert du choque, pour la placer également tout autour du pied de la forme. La pièce sert aussi à bien dresser les bords du Chapeau.

Le Chapeau dressé, et hors de dessus sa forme, se met sécher à l’étuve, pour être ensuite poncé avec la pierre de ponce, ou robé avec la peau de chien marin ; ce qu’on fait depuis quelques années en France, à l’imitation des Chapeliers d’Angleterre : cette façon à la peau les rendant plus fins, que celle à la ponce.
Le Chapeau en cet état se garde, pour être mis à la teinture, lorsque le Chapelier le trouve à propos : mais quand on veut l’y mettre, il faut de nouveau en remplir la tête de sa forme de bois ; le serrer de sa ficelle, qu’on place avec l’avaloire et le choque ; et  l’étauper avec la pièce : il faut de plus le cogner sur le billot, pour mieux en faire la forme.
On a coutume aussi avant de le mettre dans la chaudière, pour mieux faire prendre la teinture, de le tirer légèrement au carlet, c’est-à-dire, avec une petite carde très fine, mais sans manche, qui en fait un peu sortir le poil. Ce carlet est fait en forme de décrottoir, de cinq pouces de long sur trois de large.

La Chaudière des Chapeliers-Teinturiers, est très grande ;  et il y en a où il peut tenir jusqu’à douze douzaines de Chapeaux, montés sur leur forme de bois.
La teinture est composée de bois d’inde, de noix de galle, de couperose, et de vert de gris.
Le Chapeau y ayant bouilli quelque temps, on l'en retire, pour le laisser teindre à froid ; ce qu'on fait à plusieurs reprises, aux uns plus qu’aux autres ; selon que les Chapeaux ont de la peine à prendre la teinture ; y ayant des étoffes, qui ne la mordent pas si facilement que d’autres.
La teinture achevée, le Chapeau se relave avec de l’eau claire, se frotte avec des brosses de poil, ou soie de sanglier, se remet à l'étuve, pour le sécher.

Quand il est bien sec, on lui donne un lustre avec de l’eau claire, pour le préparer à l'apprêt.
On appelle Apprêt, la colle que l’Ouvrier met au Chapeau, pour l’affermir : et Apprêter, la manière de la lui donner. Cette colle se compose, et se fait suivant le caprice de l’Ouvrier ; et c’est aussi de sa fantaisie, que dépend le plus ou le moins qu’il lui en met.
L'apprêt est très difficile à bien donner à un Chapeau : il se met avec une brosse de poil de sanglier ; et quand le Chapeau est encollé, on le met sur une plaque de fer, ou de cuivre, tout-à-fait semblable à celle a bâtir, sous laquelle est pareillement un fourneau, où l’on allume un feu médiocre de charbon.
Quand le Chapeau est suffisamment chaud, on frappe doucement sur les bords du Chapeau avec le plat de la main, pour incorporer l’apprêt dans le feutre ; en sorte qu’il n’en paraisse point ni dessus, ni dessous, de qu’on n’y voie que du poil.
Lorsque l’apprêt est bien incorporé, on se sert encore du carlet, mais légèrement ; après quoi on laisse sécher le Chapeau, pour, quand il est sec, l’abattre sur le badin, c’est-à-dire, en aplatir les bords, et y faire ce qu’on appelle le Cul du Chapeau.
Ces deux façons se donnent sur le badin échauffé considérablement ; mais où l’on met d’abord une feuille de papier, et par-dessus le papier, une toile : et pour empêcher encore que le Chapeau ne se brûle, on arrose la toile d’eau claire, qu’on y jette avec un goupillon.
Quand la toile a une moiteur assez chaude, on y place le Chapeau à plat sur ses bords, le chargeant tout autour de formes de bois ; et ensuite, pour en abattre les plis, on le tourne de différents sens sur la platine ; entraînant tout ensemble la toile et le papier à chaque tour qu’on lui fait faire.

Pour faire le cul, il ne faut que renverser le Chapeau sens dessus dessous, et le tourner sur sa forme, comme on l’a tourné sur ses bords. On comprend assez qu’il faut qu’il y ait une forme de bois dans la tête du Chapeau.
Toutes ces façons finies, qui donnent la perfection au Chapeau, on le brode, et on le lustre, ordinairement avec de l’eau claire et pure, quelquefois avec de l’eau de galle, puis on l’arrondit avec des ciseaux ; ce qu’on appelle Arrondir l’arrête d’un Chapeau ; et on le garnit d’un coiffe de tabis, ou de treillis.
Chaque fois qu’on veut nettoyer un Chapeau, pour le montrer à l’Acheteur, qui le marchande, après qu’on l’a brossé avec des brosses ordinaires, on le pare avec une pelote ou peloton de tripe blanche ; ce qu’on appelle aussi Lustrer un Chapeau ; mais alors ce lustre est sec, et non pas liquide.
Depuis quelque temps les Chapeliers de Paris se sont accoutumés de passer, ou repasser leurs Chapeaux, pour les finir, avec un fer, ou carreau, tout semblable au fer dont les Blanchisseuses se servent, pour repasser leur linge, à la réserve qu’il est plus épais, et un peu plus grand. Cette façon leur donne un oeil plus agréable, et plus noir.


Mémoire sur la Fabrique et le Commerce des Chapeaux à Caudebec, dressé en 1720.
La Communauté des Chapeliers de Caudebec est encore composée d’environ quinze Maîtres, dont il n’y en a pourtant que trois ou quatre qui travaillent pour leur compte ; le reste qui n’a pas le moyen de tenir boutique, et de fabriquer pour soi, foulant les chapeaux dans les ateliers des autres.
Les arçons où l'on prépare l’étoffe propre à cette Manufacture sont au nombre de quatre-vingt-quinze, et cette fabrique occupe en tout quatre cent personnes ; ce qui fait environ le quart des habitants.

Les fabricants achètent les laines de Vigogne et de Ségovie à Rouen ; mais comme ils n’emploient ordinairement que les laines Françaises, ils ont coutume de les tirer de Champagne, de Bourgogne, et surtout de la Sologne, d’où elles leur viennent en droiture pour la plupart.
Ils ont voulu faire des Chapeaux de laine de Vigogne pure, mais ils n’ont pas réussi, et ils avouent que ce n’est pas leur fait ; outre que les Chapeliers de Paris s’y sont opposés. La raison qui leur avait fait entreprendre cette nouvelle Manufacture, était l’assortissement de leurs chapeaux pour l’Espagne, où il faut ordinairement dix douzaines de Vigogne, sur cent cinquante douzaines de Caudebecs.

La cause de la diminution de leur Manufacture, vient de ce que l’on fait à Rouen et à Paris beaucoup plus de Chapeaux de cette sorte qu’autrefois ; qu’il s’est même établi des Chapeliers à Baulebec et au Havre, où il n’y en avait point auparavant, et que tous les chapeaux qui se fabriquent dans ces différentes villes se vendent sous le nom de chapeaux de Caudebec, quoiqu’ils soient beaucoup moins étoffés que ceux qui sont de véritable fabrique de cette Ville, et que d’ailleurs il y ait plus d’apprêt, qui est un défaut considérable et essentiel.
Il se fait à Rouen, année commune, environ dix mille douzaines de chapeaux, et autant aux environs. Baulebec et le Havre en fournissent beaucoup moins, mais cependant presque autant que Caudebec, où il s’en peut faire par an quatre mille douzaines, dont les neuf dixièmes sont de pure laine de France, et c’est seulement à ceux-là que l’on doit donner le nom de Caudebec.

Les Fabricants de cette Ville ont tenté d’établir le commerce de leurs chapeaux en Portugal, et depuis 1717 ils en ont envoyé à Lisbonne jusqu’à cinquante douzaines par an, sur lesquels les profits ont été de vingt sols par pièce, plus qu’ils ne les vendent ordinairement aux Marchands de Paris ; mais comme ce profit n’est pas proportionné aux risques de la mer, il n’y a guère d’apparence que ces envois puissent le soutenir, suivant le sentiment de quelques-uns de ces Fabriquans ; cependant comme les retours se font en laines qui leur coûtent bien moins que celles qu’ils tirent d’ailleurs, quelques autres estiment que cette dernière raison pourrait contrebalancer la première.
Il ne faut pas oublier qu’une des causes du dépérissement de la Manufacture de Caudebec, a été le refus que firent, il y a quelques années, les Maîtres Chapeliers de cette ville, de recevoir dans leur Communauté les Ouvriers de la campagne, qui portèrent à Rouen où ils furent bien reçus, le secret de la fabrique des chapeaux de pure laine de France, qui jusque-là ne s’étaient faits qu’à Caudebec et aux environs.


Chapeau de Paille. Espèce de Chapeau fait de jonc, ou de paille de seigle, dont les Artisans et le menu Peuple se servent en été. Il y en a   aussi de fins, et d’une forme singulière, que les Dames dans quelques Provinces de France, portent au lieu de parasols, contre l’ardeur du soleil.
Les uns et les autres sont en forme de tissus faits de ces légères matières diversement mises en couleur. Ceux pour les Dames se doublent ordinairement de taffetas. Les Marchands du Palais font quelque commerce de ces derniers : les autres se font par les Maîtres Nattiers de Paris, ou s’envoient de quelques Villages des environs de Paris.
Les droits d'entrée et de sortie, qui se payent en France de cette marchandise, sont de 3 sols par douzaine.



CHAPELIER. Marchand et Ouvrier tout ensemble, qui vend, et qui achète des chapeaux, qui fait fabriquer, et qui en fabrique lui-même.
Les Chapeliers de Paris forment une Communauté considérable. Leurs anciens Statuts sont du mois de Mai 1578. Ils leur furent accordés par Henry III, depuis confirmés par Henry IV en Juin 1594 ; ensuite réformés par Louis XIII en Mars 1612 ; et enfin augmentés et renouvelés par Louis XIV en 1706.
Il y a quatre Maîtres à la tête de cette Communauté, préposés pour avoir soin des affaires qui la concernent. Ces Maîtres prennent la qualité de Gardes, Jurés, anciens Bacheliers, Maîtres de la Communauté des Chapeliers de la Ville, Faubourgs, Banlieue, Prévôté, et Vicomté de Paris.
Le premier de ces quatre Gardes Jurés, que l’on appelle Grand-Garde, est pris du nombre des anciens Bacheliers, ou Maîtres qui ont déjà passé une fois par la Jurande ; et les trois autres, que l’on nomme Gardes Jurés Modernes, sont élus parmi les Maîtres, qui ont dix années de réception. Ils doivent rester chacun deux ans en fonction.
La Confrérie des Maîtres Chapeliers est établie en l’Église du Saint Sépulcre ; et ils prennent pour Patron Saint Michel. Ils ont une Chambre, que l’on appelle Bureau, où ils s’assemblent ordinairement chaque jeudi de la semaine, pour délibérer des affaires qui regardent leur Communauté.

Pour être reçu Maîtres Chapeliers à Paris, il faut avoir fait apprentissage pendant cinq ans ; avoir servi les Maîtres, en qualité de Compagnon, pendant quatre autres années ; et faire un chef-d’œuvre, qui consiste en trois chapeaux ; l’un frisé, d’une livre de mère-laine de mouton cardée, teint, et garni de velours : l’autre, d’une livre de laine d’agnelin, ou jeune agneau de France, cardée et arçonnée, teint, et garni de velours : et le troisième léger, aussi de laine d’agnelin de France, bâti, foulé, tondu, apprêté, teint, et couvert de velours, ou de taffetas. Il faut remarquer que les Fils de Maîtres sont exempts de l’apprentissage, du service des Maîtres, et du chef-d’œuvre.
L’on peut distinguer dans la Communauté des Maîtres Chapeliers de Paris, comme quatre sortes de Maîtres : les Maîtres Chapeliers Fabricants : les Maîtres Chapeliers Teinturiers : les Maîtres Chapeliers Marchands en neuf : et les Maîtres Chapeliers Marchands en vieux : non qu’ils fassent quatre Maîtrises différentes ; mais parce qu’ils choisissent chacun cette partie de la fabrique et du commerce des chapeaux ; les un  les faisant jusqu’à la teinture ; les autres ne se mêlant que de les teindre ; et les autres y mettant l’apprêt ; les garnissant, et les vendant.
À l’égard des Chapeliers en vieux, qui sont ceux qui achètent de vieux chapeaux, pour les raccommoder et repasser ; tels que sont les Chapeliers qui étalent sous le petit Châtelet de Paris ; ils ne peuvent faire le neuf, tant qu’ils ne se désistent point de l’option qu’ils ont faite de travailler en vieux : les autres Chapeliers ne pouvant aussi acheter le vieux, pour en faire commerce   mais pouvant seulement raccommoder les chapeaux qu’ils ont vendus, ou qu’on leur apporte à repasser.
Après le désistement des Chapeliers en vieux, il leur est permis, comme à tous Maîtres Chapeliers, de travailler à toutes les parties de la Chapellerie, ou séparément, ou à toutes ensemble.

Les Marchands Forains, et autres, qui amènent des chapeaux, pour vendre à Paris, sont obligés de les faire porter directement dans le Bureau des Chapeliers, pour y être vus et visités par les Gardes Jurés en Charge, qui doivent les lotir entre les Maîtres de Paris, qui en ont besoin, après que le prix en a été fixé par un ancien Maître, qui a passé les Charges, et par un jeune Maître, qui n’a point encore été en Charge.
Les Maîtres Chapeliers de Paris ont la faculté d’aller ou d’envoyer acheter dans le Royaume même dans les Pays Étrangers, toutes sortes de marchandises et étoffes dépendantes de la Chapellerie.

Les instruments et outils des Chapeliers, sont le grand Couteau, ou Tranchoir, pour arracher le grand poil, qui est sur la peau de castor ; le petit Couteau ou Serpette, pour couper le petit ; les Cardes de fer, une Clave pour arçonner, l’Arçon avec sa corde, son Bec de corbin, sa Chanterelle, et son Panneau : la Coche pour battre l’arçon, le Feutrier, le Lambeau, les Fourneaux, la Plaque de fer, ou de cuivre ; un Goupillon, une Chaudière à fouler et à teindre, des Fouloires, un Roulet, un Tamis de Crin, une Forme de bois, une Avaloire, un Choque, la Pièce de cuivre, une Pierre-ponce, ou une Peau de Chien marin ; un Billot, un Carier, ou petite Carde ; des Brosses de soie de sanglier, plusieurs Bassins, des Ciseaux, un Fer à repasser ; enfin, un Frottoir, ou Peloton.


 

Le terme ci-dessus est l'un de ceux utilisé pour décrire, le cas échéant, le costume du personnage en illustration, provenant de l'ouvrage :
'Costumes français depuis Clovis jusqu'à nos jours', publié par A. Mifliez en 1855.


Sans mention particulière, cette définition provient des notes de cet ouvrage.

 

 

 

 

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